Scénarisé et illustré par Érik de Graaf, La Pastèque
«Lorsque l'armée allemande envahit les Pays-Bas, le 10 mai 1940, Victor et Esther, deux jeunes amants, sont séparés. Quelques semaines après la capitulation, Victor rentre des combats, il découvre qu’Esther a disparu. Samedi 4 mai 1946 , un an après l’armistice, ils se retrouvent à nouveau, dans un cimetière...»
La guerre bouleverse tout, on le sait: les repères, les amitiés, les valeurs, les idéaux, la vie. Pourtant, elle est souvent dépeinte de façon manichéenne: les Bons soldats contre l'Horrible ennemi. Or, souvent, le Mal se fraie un chemin plus sournoisement, endormant adroitement les vigilances pour mieux gagner du terrain; la frappe-surprise ultérieure n'en est que plus dévastatrice. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, les Pays-Bas étaient neutres et entendaient bien le demeurer, surtout que l'Allemagne semblait vouloir respecter leur non-engagement dans le conflit. Or, tout a basculé quand la confiance d'un peuple a été trahie... Dans le premier tome de ce prometteur diptyque, Erik de Graaf raconte les débuts de cette guerre ravageuse à travers la jeunesse néerlandaise des petits villages. Comment ils ont été de jeunes militaires cantonnés chez l'habitant pendant un long moment, humbles îlots de protection, pour ensuite être parachutés dans une guerre qu'ils n'avaient pas vu venir et qui les a rapidement fait capituler. Comment la jeunesse a vécu ce coup d'éclat, le deuil d'êtres chers et l'occupation allemande de plus en plus contraignante par la suite. Tout en nuances et en finesse, Erik de Graaf brode une adroite scénarisation jonglant astucieusement avec trois niveaux de narration: le présent, en 1946, après la guerre, le passé, les premiers éclats de la guerre en 1940-41, et les souvenirs plus anciens d'avant 1940. Or, si la multiplication des retours en arrière entraîne souvent la confusion chez le lecteur, cette fois, grâce à l'utilisation de filtres visuels distincts (couleurs pour le présent, sépia pour le passé et noir et blanc pour l'ancien), la trame narrative demeure limpide et éloquente, attisant la curiosité du lecteur par un récit fragmentaire et des silences nourrissant judicieusement le mystère. Portée par une habile mise en images, à la délicieuse palette vieillotte, et aux traits simples et affirmés, cette fiction fortement inspirée d'une réalité méconnue en Amérique du Nord est indubitablement remuante (une fascinante annexe documentant les sources historiques du récit clos d'ailleurs le roman graphique). Un inoubliable opus, juste et émouvant, dont on espère ardemment la suite!...
Lili lui donne: ★ ★ ★ ★ ☆
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire