Par Kim Thúy, Libre Expression
«mãn est une histoire d'amour entre une femme et celles qui l'ont, tour à tour, fait naître, allaitée, élevée. Elle a été déposée dans le potager d'un temple bouddhiste sur le bord d'un des bras du Mékong par une adolescente. Une moniale l'a recueillie et nourrie d'eau, de riz et du lait des seins d'une mère voisine, avant de la confier à une autre femme – enseignante de jour, espionne en tout temps. mãn parle de l'amour à l'envers, celui qui doit se taire, celui qui ne peut être vécu, celui qui ne doit pas s'inscrire dans le temps en souvenirs, en histoires. Or, juste avant la fin, ou au milieu d'un nouveau début, ailleurs, loin de la chaleur tropicale, près du corps, dans la lenteur aérienne des flocons de neige, il y a eu un amour à l'endroit, c'est-à-dire un amour ordinaire né d'une rencontre ordinaire, avec un homme ordinaire, ce qui était pour elle l'extraordinaire, l'improbable.»
Un petit bijou de finesse, d'humanité, brodé tout délicatement par Kim Thúy, et bouillonnant d'émotions plus grandes que tout, plus grandes que le silence et l'abnégation qui les poussent à se taire, à taire la vie qui pourtant se fraie un chemin, inexorable, au creux de l'âme. Construit habilement, avec sensibilité, entremêlant les arrêts sur image et la narration chronologique, Kim Thúy entraîne le lecteur tout doucement au coeur de l'humain, là où le passé laisse des traces et où le désir palpite, infatigable. Un opus mémorable, sorte de quête initiatique sans dessus-dessous, où la sagesse apprend à lâcher prise pour laisser le soleil pénétrer sa forteresse feutrée et imperturbable; comme quoi, comme disait Nietzsche: «Il faut avoir un chaos en soi-même pour accoucher d'une étoile qui danse».
Lili lui donne: ★ ★ ★ ★ ★
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